Le premier canal à écluses en Amérique

Les rapides de Coteau-du-Lac étaient parmi les plus difficiles à franchir entre Montréal et les Grands Lacs.

Ils se trouvaient surtout à proximité d’un poste devenu important sur cette route, avec ceux de Wellington (Prescott) et de Cornwall. Sir Frédérick Haldimand, à la suggestion du capitaine William Twiss, en tournée d’inspection, décida de commencer à Coteau-du-Lac la construction du premier d’une série de canaux à écluses pour faciliter le transport sur la voie fluviale.

Déjà en 1749…

Chaussegros de Léry, se rendant de Montréal à Détroit, racontait qu’ayant atteint Milles Roches (près de Cornwall), il dut débarquer une partie de la cargaison, pour que les hommes puissent traîner les « batteaux » dans un rigolet le long des rapides. Plus tard, Monsieur Pouchot en mentionne quatre autres de ces « rigolets ». La construction des rigolets remonte donc à 1749 jusqu’à la fin du régime français. Ce sont les militaires qui les bâtirent. Après avoir péniblement franchi le rapide de Coteau-du-Lac, où les travaux d’un tel rigolet n’étaient pas encore achevés, Monsieur de Léry déplorait dans son journal que les commerçants en profitaient sans y avoir contribué. Ils étaient constitués d’une « chaine de roches » érigée à une dizaine de pieds (3 m) de la rive, afin de protéger les embarcations des dangers des rapides. Des vestiges de celui de Coteau-du-Lac sont encore observables au site historique national local.

La construction de canaux à écluses fut très populaire en Angleterre dans les années 1760. Un canal est une voie navigable artificielle qui facilite la navigation. Une écluse est un bassin d’eau muni de portes et de vannes et qui permet aux bateaux d’accéder à des plans d’eau dont les niveaux sont différents. En fait, écluser un bateau c’est un peu comme lui faire monter ou descendre un escalier.

premier_animÀ l’origine, le canal de Coteau-du-Lac, d’une longueur de trois cent-trente pieds (plus de 100 m), comprenait trois écluses de six pieds (1,80 m) de largeur permettant un tirant d’eau d’à peu près deux pieds et demi (80 cm.). Il permettait de combler une dénivellation d’environ six pieds et quart (2 m) entre l’aval et l’amont du rapide.

La construction du canal débuta à l’été de 1779. On entreprit de percer ce qui était appelé « la péninsule de Coteau-du-Lac ». Les ouvriers qui y travaillaient étaient pour la plupart des militaires du « King’s Royal Regiment of New-York », régiment colonial constitué de loyalistes. Dans un rapport d’inspection, le capitaine Twiss se dit fier des artificiers, des scieurs (de pierre) du Sir John Johnson Corps et des Royal Workers sous la direction d’un responsable du génie royal.

Les travailleurs creusèrent le canal dans le roc à l’aide d’outils et de techniques rudimentaires. Tout le travail de construction du canal de Coteau-du-Lac fut exécuté à la main. La terre de surface fut enlevée au pic et à la pelle. Le transport de la terre et des débris de pierre s’effectuait à la brouette. On utilisa de la poudre à canon pour faire éclater le sol rocheux.

Comment faire…

Comment faire exploser le roc à la poudre à canon? Deux hommes perçaient un trou de mine avec un foret et une masse. Le diamètre de ces trous variait de trois à quatre centimètres et les plus profonds pénétraient jusqu’à soixante centimètres dans la roche. Dans le premier tiers du trou, on versait de la poudre à canon dans laquelle on introduisait une longue aiguille. Une petite bourre de paille était placée sur la poudre à canon. On mettait ensuite des éclats de pierre tassés à la barre de fer jusqu’à un pouce du bord que l’on comblait avec de l’argile humide. On retirait alors l’aiguille du trou. Le petit orifice laissé par l’aiguille était rempli avec une fine poudre à canon ou encore, avec une paille contenant cette substance explosive et tenant lieu de mèche. Enfin, il ne restait qu’à allumer et à se sauver le plus vite possible avant l’explosion. On pense que, pour exécuter ce travail de minage difficile et dangereux, l’armée britannique a probablement eu recours à des mineurs expérimentés de la région des Cornouailles en Angleterre.

Les matériaux utilisés dans la fabrication des portes d’écluses provenaient de différents endroits: le fer plat d’Angleterre, la fonte des forges du Saint-Maurice, le bois des environs de Coteau-du-Lac. Les pierres de taille utilisées pour édifier les murs du canal furent façonnées avec des ciseaux et une petite masse. Elles furent ensuite posées par un maçon. Une « chèvre » (grue manuelle) était probablement utilisée pour lever les pierres les plus lourdes.

Les travaux de construction du canal se poursuivirent donc durant un peu plus d’un an et se terminèrent à l’automne de 1780 .Le canal fut inauguré au printemps suivant, à la reprise de la navigation. On s’empressa d’y ajouter, tout près, la construction de logements et d’écuries. En 1781, l’officier qui était en charge des installations de Sa Majesté à Coteau-du-Lac se nommait Dennis.